Cette étude analyse les injures considérées comme sexistes par leurs victimes à partir de l’enquête « Cadre de vie et sécurité » (CVS). Après avoir délimité les principaux traits caractéristiques de ce type d’injures (victimes, lieux, moments, auteurs, conséquences, etc.) en les comparant aux injures dans leur ensemble, l’étude propose une analyse textuelle détaillée de ces propos injurieux à partir du corpus de mots tels qu’ils ont été rapportés par les victimes.
Les injures sexistes se démarquent de l’ensemble des injures en tendance et en structure. D’une part, leur nombre connaît une hausse significative depuis 2010, quand le nombre des injures est globalement stable sur la même période. Cette hausse est principalement portée par l’augmentation du nombre des injures dans les espaces publics, et par une augmentation encore plus forte du nombre des injures sur le lieu de travail.
D’autre part, sur la période 2006-2016, les particularités des injures sexistes sont des accentuations des caractéristiques des injures dans leur ensemble. Ainsi les femmes sont encore plus nettement surexposées aux injures sexistes qu’aux injures en général : leur taux de victimation (3,8 %) est près de 10 fois supérieur à celui des hommes (0,4 %). Les victimes d’injures sexistes sont plus jeunes. Ces injures ont un peu plus souvent lieu dans les espaces publics et visent plus souvent l’apparence physique des victimes. Les injures sexistes donnent ainsi une image accentuée des caractéristiques qui démarquent les injures en général des autres types d’atteintes aux personnes (menaces, violences physiques).
L’analyse textuelle révèle quant à elle la diversité des configurations injurieuses. Elle montre clairement l’association de quatre stéréotypes sexistes avec des contextes spécifiques:
- la figure de la « mère envahissante », intimant la victime à devenir invisible (silence et distance), est caractéristique des injures proférées sur le lieu de travail, adressées à des femmes occupant une position sociale élevée;
- la figure de la « fille facile » correspond à des injures animalisantes et sexualisantes, accompagnées de compliments astreignants, proférées dans les espaces publics et adressées à des jeunes femmes;
- la figure de la « vieille sorcière » correspond à des injures pathologisantes, proférées dans des espaces domestiques;
- et la figure de « l’homme déviant dans sa virilité » correspond à des injures racialisantes, proférées par des femmes dans des contextes de travail.