
Cet article est issu du n°59 des Cahiers de la sécurité et de la justice.
Pascale Legendre, administrateur de l'Etat hors classe, chargée de mission Egalité-Diversité auprès du directeur général de la Sécurité civile et de la gestion des crises
Le 25 octobre 1976 était publié le décret autorisant le recrutement de femmes dans les corps de sapeurs-pompiers. Quarante ans après, la présence de femmes dans les métiers de la Sécurité civile (sapeure-pompier – volontaire ou professionnelle –, sapeures-sauveteurs militaires, personnel administratif, médecin, pharmacienne, vétérinaire, cadre de santé infirmière, démineure, pilote d’avion et d’hélicoptère, personnel non navigant) gagne du terrain continuellement. Cet article présente le parcours de cinq femmes dans les métiers de la Sécurité civile.
La féminisation en chiffres
En 2022, on compte 2 657 sapeures-pompiers professionnelles (6,31 % des SPP), 39 789 sapeures-pompiers volontaires (21,38 % des SPV), 7 631 femmes (médecins, pharmaciennes, vétérinaires, cadres de santé infirmières) dans les services de santé et de secours médical, SSSM (57,16 % des effectifs), auxquelles il convient d’ajouter 9 femmes démineures (Police nationale), 198 femmes militaires parmi les FORMiSC, formations militaires de la Sécurité Civile (14 %), 5 personnels navigants (2 pilotes d’avion, 1 femme personnel sécurité cabine, 3 pilotes d’hélicoptère et 1 mécanicienne opératrice de bord).
Il convient de ne pas oublier 6 341 femmes parmi les personnels administratifs, techniques et spécialisés des services d’incendie et de secours (soit 54,96 % des personnels administratifs techniques et scientifiques, PATS).
Ainsi, on note une progression du nombre de femmes chez les sapeurs-pompiers de + 24 % dans les 5 dernières années et de + 50 % en 10 ans, ce qui représente + 66 % de femmes SPP, + 50 % de femmes SPV et + 42 % de femmes dans les services de santé et de secours médicaux (SSSM).
Adeline Savy, administrateur de l'Etat, cheffe du groupement des moyens aériens, sous-direction des moyens nationaux, DGSCGC
Le groupement des moyens aériens (GMA) est une pièce maîtresse du dispositif de secours français mis en place par l’État afin d’assurer la protection de la population sur l’ensemble du territoire français.
Son parc aérien, varié, compte 60 aéronefs : 8 Dash 8 Q400 (bombardiers d’eau et transport de personnes et de matériel), 12 Canadair CL415 (bombardiers d’eau), 3 Beechcraft (investigation et coordination), et 37 Dragon EC145 et H145 (hélicoptères).
Rattachée à la sous-direction des Moyens nationaux de la direction générale de la Sécurité civile et de la Gestion des crises, cette flotte se situe sur des sites différents :
– 23 bases d’hélicoptères :
– 20 en France métropolitaine,
– 3 en Outre-mer (Guadeloupe, Martinique et Guyane),
– 4 bases de détachement saisonnier (Mende, Courchevel, Chamonix, Le Luc) ;
– base de Securite civile de Nîmes (Gard) qui réunit :
– le groupement d’avions : 23 appareils de lutte contre les feux de forêt (12 Canadair, 8 Dash, 3 Beechcraft),
– l’échelon de commandement du groupement hélicoptères, et de transport ;
– le centre de formation ;
– l’atelier de maintenance du groupement.
Les 23 avions de la Sécurité civile, placés sous l’autorité du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, sont à la disposition des préfets de zone et de département pour la lutte contre les feux de forêt. Ils peuvent être positionnés ou détachés en France.
Durant l’été, des avions sont détachés en Corse, ainsi que dans le Sud de la France suivant les risques météorologiques. Les avions bombardiers d’eau interviennent également en Europe en fonction du risque, dans le cadre de l’assistance mutuelle entre les États de l’Union européenne MPCU. En 2022, plus de 72 000 hectares ont été détruits sur l’ensemble du territoire. Pour faire face à l’évolution du risque à l’été 2023, la Sécurité civile a adapté son dispositif de lutte en complétant sa flotte par des moyens loués (avions et hélicoptères bombardiers d’eau).
Chaque année, les hélicoptères et leurs équipages secourent des personnes en plaine, en montagne, et en mer. Ils assurent en priorité des missions de secours d’urgence et de sauvetage 24 heures sur 24, effectuent également des missions de transport sanitaire et participent à la lutte contre les feux de forêt. Les hélicoptères réalisent aussi des missions de police, de prévention générale et d’assistance technique. Les Dragons de la Sécurité civile s’appuient sur un échelon central situé à Nîmes (Gard) qui regroupe la direction, le centre de formation et le centre de maintenance du groupement hélicoptères. Chaque base assure une permanence 24 heures sur 24, 365 jours par an.
Adeline Savy a rejoint cette aventure humaine pour participer à une mission de service public.
Sa nomination aux fonctions de cheffe du groupement des moyens aériens (GMA) en janvier 2020 n’est pas totalement étrangère à sa formation initiale. En effet, Adeline Savy est ingénieure du génie sanitaire de l’École nationale de la santé publique et ingénieure de l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Limoges.
Après avoir travaillé en administration centrale et occupé deux postes de sous-préfet en administration territoriale, elle a reçu une proposition de mission au sein de la direction générale de la Sécurité civile et de la Gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, ce qui est une première dans ce domaine très masculin.
C’est un tournant voulu par le directeur général de la Sécurité civile et de la gestion des crises qui en attendait une évolution dans la gestion du groupement des moyens aériens. Si ses connaissances scientifiques l’ont aidée pour comprendre la technique, seul le travail lui a permis de dépasser ses craintes de ne pas être assez compétente pour ce poste. En effet, c’est bien sur les compétences en aéronautique qu’elle a acquises par un travail de fond qu’Adeline Savy a été jugée par ses équipes essentiellement masculines. Elle explique que c’est pour cette raison qu’elle n’a pas ressenti de différence liée à son genre dans l’exercice des fonctions de cheffe du groupement des moyens aériens de la Sécurité civile.
Elle n’a jamais éprouvé de difficulté à exercer ce métier en tant que femme, et ne veut pas être jugée sur ce critère, mais plutôt sur ses méthodes de travail : elle écoute les avis des spécialistes et des techniciens, explique ses décisions autant que possible, et s’efforce de créer du lien entre les services de la direction générale basés à Paris et les services du groupement des moyens aériens, basés à Nîmes, en passant une semaine au minimum par mois sur place. Elle a beaucoup investi dans le domaine relationnel, qui s’est amélioré : les équipes parisiennes viennent à Nîmes régulièrement pour participer au projet collectif.
Cette stratégie a payé, aujourd’hui, elle est heureuse de constater que son volontarisme dans la cohésion des équipes a permis de faire avancer les dossiers plus efficacement.
Jour après jour, sa confiance dans ses compétences et son intérêt pour l’opérationnel en prise avec le terrain se renforcent, elle est assurée que travailler dans la sécurité a du sens, car elle contribue à sauver des vies et des biens. Ce métier, qu’elle exerce depuis maintenant près de quatre ans, a fait vibrer sa fibre « ingénieur » et restera un poste très marquant dans sa carrière. Convaincue que les femmes apportent une vision différente et enrichissante des missions opérationnelles, elle souhaite que des efforts soient faits pour faire connaître ces métiers aux femmes et les encourager dans cette filière.
Aujourd’hui le taux de féminisation du groupement des moyens aériens est de 7,5 % pour un effectif de 453 agents présents.
Marie Peucelle, lieutenante-colonelle, cheffe du bureau Opérations-instruction de l'UIISC n°7, sous-direction des moyens nationaux, DGSCGC
Marie Peucelle, sortie de l’École de guerre en 2022, est lieutenante-colonelle de l’armée de terre. Elle sert actuellement à l’unité d’instruction et d’intervention de la Sécurité civile no 7 (UIISC n°7) de Brignoles (Var) comme cheffe du bureau Opérations-instruction.
Les formations militaires de la Sécurité civile sont des unités de l’armée de terre placées pour emploi auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer. Elles constituent les moyens nationaux terrestres de la DGSCGC qui interviennent lors de catastrophes naturelles ou technologiques pour protéger la population et sauvegarder les biens et l’environnement, en temps de paix, de crise ou de guerre, tant en France qu’à l’étranger.
L’état-major situé au sein de la DGSCGC assure la préparation opérationnelle de ces unités composées de 1 408 sapeurs-sauveteurs et la montée en puissance des détachements engagés en opération. À ce titre, il est notamment responsable de la planification des activités d’instruction et d’entraînement, de la gestion RH des sapeurs-sauveteurs en lien avec l’armée de terre ainsi que du suivi, du budget, des équipements et de l’infrastructure. Il participe à l’armement en personnel du COGIC, des centres opérationnels de zone en France métropolitaine (Lille, Metz, Rennes, Lyon, Bordeaux et Valabre) et outre-mer (Martinique, La Réunion et Guyane).
Trois unités d’instruction et d’intervention de la Sécurité civile (UIISC) assurent l’engagement opérationnel de renfort national et de projection internationale : l’UIISC n°1 est implantée à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), l’UIISC n°7 à Brignoles (Var) et l’UIISC n°5 à Corte (Haute-Corse). Une quatrième UIISC (565 sapeurs-sauveteurs) sera opérationnelle à Libourne dès 2024.
Depuis cinquante ans, les ForMiSC ont démontré à maintes reprises leur savoir-faire : récemment, ils sont intervenus lors du séisme en Turquie (début 2023), au Liban (2020), à Saint-Martin touchée par le cyclone Irma (2018), ainsi que lors des campagnes de feux de forêt annuelles en Corse et en zone Sud ou en réponse aux mégafeux à l’étranger (Canada, Amérique du Sud, Grèce…).
Au 1er août 2023, la lieutenante-colonelle Marie Peucelle a pris les fonctions de cheffe du bureau Opération-Instruction de l’UIISC n°7. Après ses études à Sciences Po Lyon et Lille, elle choisit de s’orienter vers une carrière militaire. Elle intègre l’École spéciale militaire de Saint-Cyr en 2008. Un an plus tard, souhaitant rejoindre une arme d’appui, elle choisit le génie, qui a l’avantage d’être à cette époque une arme de terrain ouverte aux femmes et offrant beaucoup de diversité. Elle découvre alors l’attrait des missions de Sécurité civile et depuis, sa motivation n’a pas faibli. Le terrain, les missions de secours et l’autonomie sont les trois moteurs de son attrait pour les ForMiSC.
À la sortie de Saint-Cyr, elle a suivi un parcours opérationnel classique, a commandé une section de trente femmes et hommes chargés d’intervenir en cas de catastrophe naturelle ou technologique et de menace nucléaire, radiologique, biologique ou chimiques à l’UIISC n°1 de Nogent-le-Rotrou. Elle a ensuite été durant deux ans adjointe du commandant de compagnie, puis a occupé durant deux ans le poste de commandant de compagnie (cent militaires). Dès le grade de lieutenant, la Sécurité civile offre une grande autonomie dans le commandement et une responsabilisation précoce, ce qui lui a permis de partir rapidement seule avec sa section ou sa compagnie partout en France et à l’étranger lors de missions ne se ressemblent jamais : elle ne sait jamais quand, où ni combien de temps elle devra partir, et c’est ce qui fait le sel de ce métier.
Ces missions l’ont conduite dans le Sud, l’Est et le Centre lors des inondations de 2016, en métropole et à La Réunion lors des feux de forêt, en Bretagne, lors de la marée noire du TK Bremen échoué sur les côtes fin 2011, et à Madagascar pour une mission de conseil aux autorités locales sur les questions NRBC. L’été, à titre préventif en appui des SDIS, elle commande sa section positionnée en Corse du Sud, et en 2016 elle rejoint le sous-groupement Sud comme commandante de compagnie. Dans ces différentes missions, l’humain a une place particulière : il faut savoir s’insérer dans un dispositif de secours préétabli, coopérer avec l’ensemble des intervenants, et surtout, répondre avec efficacité, humanité et tact aux sollicitations des populations sinistrées, souvent plongées dans un profond désarroi.
Elle est ensuite revenue dans l’armée de terre, au cabinet du chef d’état-major en administration centrale pendant trois ans. Elle prépare alors le concours de l’École de guerre, qu’elle intègre en 2020. À sa sortie en 2022, elle passera un an à l’état-major des ForMiSC, comme chef de la cellule d’études générales et de synthèse, avant de revenir en régiment au poste de chef du bureau Opération-Instruction de l’UIISC n°7 en août 2023.
Comme les 1 408 militaires des ForMiSC, dont 14 % sont des femmes, elle exerce avec passion ce métier exigeant tant en technicité et en commandement qu’en disponibilité. Pour elle, être militaire de la Sécurité civile est un très beau métier qui a du sens, est utile et donne envie de se dépasser. La réponse opérationnelle immédiate implique pourtant des astreintes régulières. Chacun a une heure pour rejoindre son régiment à n’importe quel moment, soir et week-end compris. Les missions et les entraînements sont réguliers et les sapeurs-sauveteurs sont très souvent loin de chez eux. Cette vie opérationnelle passionnante et la disponibilité exigée au sein des ForMiSC joue nécessairement sur la vie de famille, qui doit s’adapter aux contraintes du métier de sapeur-sauveteur.
Pourtant, la lieutenante-colonelle Peucelle et son mari ont construit une vie de famille équilibrée. Ils ont trois enfants âgés aujourd’hui de 9 ans, 3 ans et demi et 18 mois. Pour elle, tout est possible si on s’organise au travail comme à la maison afin de rester disponible en permanence. Le dialogue avec les enfants est également impératif, pour qu’ils comprennent les déménagements réguliers ou les absences souvent non planifiées, parfois lors de moments importants pour les enfants, à Noël ou pour les anniversaires. Il faut alors parler aux enfants, leur expliquer l’importance de ce métier au service des autres, de manière à aider les enfants à surmonter leur déception et à les rendre fiers de leurs parents malgré ces contraintes.
Face à la disponibilité exigée par le métier, et pour fidéliser ces hommes et de ces femmes qui « servent pour sauver » mais peuvent parfois douter de leur capacité de concilier vie professionnelle et vie familiale, des mesures telles que le plan Famille sont mises en place par le ministère des Armées pour améliorer la vie des militaires et de leur famille. Les régiments contribuent au maintien d’un lien fort avec les familles et les tient informées, notamment lors des missions. Chacun doit en effet se sentir soutenu et aidé au quartier comme à l’autre bout du monde, et à ce titre, l’esprit de corps et la cohésion qui règnent dans ses unités sont primordiaux.
Isabelle Arnaud, médecin-colonelle, responsable du groupement fonctionnel opération au Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Gard
Les hasards de la vie ont amené Isabelle Arnaud à croiser Thierry Prunet, médecin-chef du SDIS du Gard, qui est intervenu après le tremblement de terre de Mexico en 1985 avec une équipe de médecins, d’infirmiers et de sapeurs-pompiers gardois (élément d’intervention spécialisé du Gard – ELIS 30). Douze ans plus tard, il créera l’Élément de Sécurité civile rapide d’intervention médicalisée (ESCRIM), avec Pierre Chevalier, médecin-chef de l’UIISC 7, et Michel Orcel, médecin-chef adjoint du SDIS 30.
À l’occasion d’un stage au SMUR de Nîmes en 4e année de médecine de Nîmes, la gardoise Isabelle Arnaud a été d’emblée passionnée par ce métier de médecin urgentiste où il faut être sur le terrain, réfléchir et agir très vite, ce qui correspond tout à fait à son caractère. Son dernier stage en tant qu’interne au service des urgences et réanimation de l’hôpital d’Alès (Gard) se passe si bien qu’on lui propose le poste de médecin-cheffe du service des urgences, réanimation et SMUR.
Elle fait la connaissance de Thierry Prunet au cours d’une opération d’évacuation avec l’hélicoptère du SDIS du Gard. Elle accepte sa proposition de rejoindre le SDIS du Gard comme médecin pompier volontaire, activité qu’elle cumulera pendant deux ans avec son poste au centre hospitalier d’Alès. Sapeure-pompière professionnelle contractuelle pendant quatre années, elle passe le concours lorsqu’un poste de médecin sapeure-pompier professionnel est créé en 2001.
Lors de sa professionnalisation au SDIS 30, elle n’est donc plus médecin hospitalier et vit l’insatisfaction de ne plus suivre les victimes après leur prise en charge préhospitalière. Ce changement de trajectoire va lui permettre de rejoindre l’hôpital de campagne de la Sécurité civile, dont le plateau technique est basé à Nîmes. C’est le seul hôpital projetable de Sécurité civile en France.
L’hôpital de campagne lui fait vivre des expériences plus sensibles et enrichissantes les unes que les autres. Ce métier est devenu une passion qu’elle exerce aux quatre coins du monde en opération sur des lieux de catastrophes naturelles et sur des théâtres de conflits.
Tout était à faire à cette époque pour l’optimisation de cet outil extraordinaire qu’est l'hôpital de campagne : la colonelle Arnaud va partir avec l’ESCRIM au Kosovo et au Sri Lanka pour porter secours aux victimes de la guerre civile, puis sur les lieux des tremblements de terre en Algérie, en Iran, au Pérou, à Sumatra, et à Haïti en janvier 2010… En tout une douzaine de missions.
Certes, elle voit des situations très difficiles, participe à la lutte pour la vie ; le retour en France à l’inverse demande un temps de réadaptation. La barrière de la langue protège souvent des émotions, ce qui aide à garder la tête froide et à rester professionnel devant la souffrance, c’est pourquoi l’expérience en Haïti a été plus éprouvante, les populations parlant créole. Elle en revient humainement très enrichie : « chaque mission est une expérience de vie extraordinaire, ces victimes de catastrophe nous apportent énormément, leur courage et leur force dans la détresse, la souffrance, la douleur d’avoir tout perdu est une leçon de vie et d’humilité pour les sauveteurs que nous sommes, là se trouve tout le sens de notre métier. Le retour en France est toujours une déchirure, une sensation d’abandon… »
L’ESCRIM, certifié Emergency Medical Team de niveau 2 (EMT2) par l’OMS en avril 2022, est reparti en Turquie secourir les victimes du tremblement de terre en février 2023. Il comporte un détachement d’appui chirurgical (DAC) basé au SDIS du Gard et un détachement d’appui médical et d’hospitalisation (DAMHo) basé à l’UIISC7 de Brignoles.
Cette expérience a été difficile, il a fallu monter une trentaine de tentes par -15 °C. En trois semaines l’équipe médicale a reçu près de deux mille personnes en consultation.
Ce qui la porte dans ce métier est de rencontrer des personnes qu’elle n’aurait jamais pu rencontrer, venant d’horizons très éloignés. Elle a ainsi participé à un reportage diffusé en avril 2023 dans l'emission "13h15" de France 2, qui retrace son travail de médecin urgentiste au sein de l’ESCRIM déployé en Turquie.
Elle exerce au quotidien toutes les interventions relatives aux besoins de renforts médicaux dans le Gard. Sa dernière intervention marquante a eu lieu en août 2023, après l’incendie dans le camping du Gard dont plus de 800 personnes ont été évacuées. C’est une petite fille belge qui a été réveillée par des bruits de crépitement, a soulevé le rideau du bungalow où dormaient ses parents, a vu le halo de lumière et a donné l’alerte.
Avec plus de trente ans d’expérience, elle dit s’habituer aux situations de médecine d’urgence et de catastrophe, elle sait garder son self control, ne s’appesantit pas sur ses émotions, effectue les gestes nécessaires en professionnelle même lorsqu’elle a à intervenir sur des proches ou des connaissances.
Madame X, brigadier-chef de la Police nationale, démineure au centre de déminage de Bordeaux, groupement d'intervention du déminage, sous-direction des moyens nationaux, DGSCGC
Le centre de déminage de Bordeaux est une antenne locale du groupement d’intervention du déminage (GID) qui fait partie des moyens nationaux de la Sécurité civile.
Le groupement d’intervention et de déminage exerce quatre types de missions :
– interventions sur munitions et explosifs : reconnaissance, enlèvement et destruction de munitions issues des conflits mondiaux (plus de 450 tonnes d’engins explosifs collectés et détruits chaque année) ;
– interventions sur objets suspects : dans le cadre de la lutte contre la criminalité et le terrorisme, les démineurs de la Sécurité civile interviennent pour des opérations de détection, de neutralisation ou de destruction des artifices ou des engins suspects (engins explosifs, nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques improvisés) ;
– sécurisation des voyages officiels et des évènements d’ampleur, protection des hautes personnalités ;
– assistance des groupes d’intervention : soutien du RAID, du GIGN et de la BRI lors d’opérations de lutte contre le terrorisme.
Madame X a commencé sa carrière dans la Police nationale comme la plupart de ses collègues, et a exercé diverses missions sur le terrain en sécurité publique avant d’entendre parler du métier de démineur et d’en côtoyer plusieurs dans l’opérationnel. Un changement de vie et l’ouverture de postes au recrutement externe l’ont décidée à sauter le pas en 2018. Elle entre alors au centre de formation du deminage de Mort-Mare pour suivre la formation et ses six modules durant dix-sept semaines : munitions de guerre, munitions chimiques, bombes d’aviation, appareils radiographiques, transport de matières dangereuses, engins explosifs improvisés (colis suspects).
Depuis lors, Madame X est basée au centre de déminage de Bordeaux ; ce sont principalement le ramassage d’obus (localisés surtout lors de chantiers ou de travaux chez les particuliers), les missions dans les gares, les aéroports et les tramways pour des « levées de doute » au sujet de colis abandonnés ou les voyages officiels du président, du Premier ministre ou du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer qui remplissent ses journées.
Disponible, elle se porte volontaire pour faire partie des renforts dépêchés sur le territoire national dans les centres manquant ponctuellement de personnel, pour les grands évènements nationaux comme le Festival de Cannes, la Coupe du monde de rugby, etc. Enfin, elle fait partie du groupe des voyages officiels du président de la République (VOPR) à l’étranger, qui inspecte préalablement les lieux que le président visitera. C’est le centre de déminage de Bordeaux qui a inspecté les lieux où le roi Charles III devait se rendre lors de son séjour dans la métropole bordelaise à la fin du mois de septembre 2023.
Madame X est ravie d’avoir effectué ce virage professionnel, et apprécie tous les aspects de ce métier : l’autonomie, le risque, l’adrénaline, le nécessaire sang-froid, les situations compliquées à démêler, le travail en équipe. Les interventions se font toujours en équipe de deux et les interventions sur munitions sont supervisées par un chef démineur. Les colis suspects, qui représentent 50 % des missions de déminage à Bordeaux, sont traités par un seul des deux démineurs engagés.
Le côté humain, collectif compte beaucoup : l’équipe est soudée, les échanges entre collègues et avec les autres centres de déminage sont continuels. Le GID compte neuf femmes sur 343 démineurs, c’est pourquoi Madame X a pour ambition de faire connaître ce métier aux jeunes femmes. Elle espère pouvoir prochainement intervenir en école de police pour les encourager, leur dire qu’elles en sont capables, tout comme les hommes.
Anne Lamaire, colonelle de sapeurs-pompiers professionnels, cheffe du bureau des sapeurs-pompiers volontaires et de l'engagement citoyen, sous-direction de la doctrine et des ressources humaines, DGSCGC
Après une riche carrière dans plusieurs services départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS), Anne Lamaire occupe aujourd’hui les fonctions de chef du bureau des Sapeurs-pompiers volontaires et de l’Engagement citoyen au sein de la direction des Sapeurs-pompiers de la direction générale de la Sécurité civile et de la Gestion des crises (DGSCGC) au ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.
Sa rencontre avec la Sécurité civile et plus particulièrement avec les sapeurs-pompiers se fait à l’occasion d’un stage clôturant ses études de droit public. Elle choisit, alors que les services d’Incendie et de Secours sont en pleine évolution (passage de la gestion communale à la gestion départementale), de découvrir ce milieu presque tout à fait inconnu. Les théories juridiques du service public et de la gestion administrative prennent alors forme concrète, dans le quotidien tant de ceux et celles qui structurent ces nouveaux établissements que de ceux et celles qui se forment pour faire face à des interventions toutes plus diversifiées, exigeantes et complexes les unes que les autres et de ceux qui portent secours à la population.
Lauréate du concours de capitaine, elle s’engage, au service du public, dans une profession qui offre d’exercer des compétences et aptitudes variées, physiques, techniques, administratives, ou encore managériales, dans un environnement éminemment humain.
Sa motivation première est d’être au cœur des missions, en prise directe avec les questions opérationnelles et organisationnelles pour améliorer l’efficacité du service. Soucieuse de la compréhension et de l’adhésion des équipes, quel que soit le statut de leurs membres, sapeur-pompier professionnel ou volontaire, ou agent administratif, elle choisit comme premier poste sur le terrain, le commandement d’un centre d’Incendie et de Secours dans le Cher. Cette première affectation lui permettra de vivre pleinement la complémentarité opérationnelle entre les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, et de prendre part, avec les autorités locales, à la politique de sécurité de son territoire.
Puis ce sera un poste de chef de service des RH au SDIS du département de Loir-et-Cher, où elle participe à la mise en place la première prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires ou encore aux comités d’hygiène et de sécurité. En 2005, pour continuer de diversifier sa carrière et ne pas s’enfermer dans des postes sociologiquement réservés aux femmes, elle rejoint le SDIS de l’Indre, en tant que cheffe du groupement de la gestion des risques. En plus des dossiers qu’elle traite avec les services préfectoraux, elle est chargée du projet de modernisation de l’informatisation opérationnelle et de la gestion individualisée de la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires. Cette grande aventure aux enjeux organisationnels stratégiques et humains aura contribué à améliorer la qualité du service.
En 2013, elle est sélectionnée pour suivre la formation de directeur adjoint de service départemental d’Incendie et de Secours, à l’ENSOSP, l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, située à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Ce tournant lui ouvre des horizons ; à la sortie elle choisit de prendre le poste de sous-directeur des moyens fonctionnels au SDIS de la Sarthe, puis devient trois ans plus tard directrice départementale adjointe dans les Deux-Sèvres.
Faire encore plus ses preuves, s’imposer dans une organisation historiquement masculine, pas toujours ouverte à l’égalité professionnelle, affronter le manque de courage de certains, ont été les principales embûches à surmonter. Malgré l’expérience acquise, elle remet en question ses pratiques et ses croyances, sa légitimité de chef, ses propres exigences de justesse, d’équité, d’écoute envers ses subordonnés, les manières d’appréhender au mieux les changements sociaux affectant à la fois la notion d’autorité et les attentes des collaborateurs. Entre prise de hauteur indispensable à celle qui décide et réactivité face aux questions de sécurité, l’adaptabilité, l’humilité et l’ouverture d’esprit sont les qualités qu’elle estime indispensables.
Elle a su construire et sauvegarder une vie de famille, néanmoins rythmée par les changements d’affectation géographique. Guidée par son attrait pour les postes à enjeux, elle sait que lorsqu’elle quittera son poste actuel de chef de bureau en administration centrale, étape importante de sa carrière de fonctionnaire territoriale, elle choisira un service d’Incendie et de Secours présentant des besoins spécifiques de transformation.